Les « Articles du mois » sont de retour en 2025 ! Chaque mois, un(e) doctorant(e) ou post-doctorant(e) et sa publication seront mis en avant ici. Plus d’informations pour soumettre votre article en cliquant ici.
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Ce mois-ci, nous vous présentons Julien Mambu, postdoc au CIML (Marseille), et son article «Type III interferons induce pyroptosis in gut epithelial cells and impair mucosal repair» (Cell, Décembre 2024)
Les interférons de type III retardent la réparation intestinale en induisant la pyroptose
Julien Mambu et l’équipe d’Achille Broggi au CIML, en collaboration avec une équipe du Boston Children’s Hospital, montrent que les interférons lambda (IFN-𝛌) ralentissent la régénération de l’épithélium intestinal après une lésion. Dans deux modèles murins – un d’inflammation colique et un d’irradiation intestinale – , ils constatent une augmentation des IFN-𝛌. Cette surabondance d’IFN-𝛌 provoque une mort cellulaire qui entrave la cicatrisation. Ce défaut de réparation se retrouve également chez les individus atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), telles que la maladie de Crohn, qui présentent des taux élevés d’IFN-𝛌 et une mort cellulaire excessive au sein de leur épithélium.
Les auteurs éclairent la cascade moléculaire. Après une lésion de la muqueuse, les IFN-𝛌 s’accumulent dans l’intestin et stimulent fortement la production de la protéine ZBP1 (Z-DNA Binding Protein 1). ZBP1 agit comme un senseur intracellulaire qui détecte l’ADN ou l’ARN en conformation Z – une forme particulière des acides nucléiques qui apparaît en condition de stress. Lorsqu’une lésion provoque l’apparition de fragments d’acides nucléiques Z, ceux-ci se lient à ZBP1, entraînant son activation. La protéine ZBP1 activée induit la formation d’un complexe qui va mener à l’activation de la caspase-8. Cette dernière peut activer une protéine : la gasdermine C (GSDMC) qui ensuite forme des pores dans la membrane cellulaire, déclenchant un type de mort cellulaire dans les cellules épithéliales appelée pyroptose. En particulier, les cellules les plus susceptibles à la mort cellulaire, sont les mêmes cellules impliquées dans la réparation de la muqueuse, qui met plus de temps à se réparer. Dans des modèles de MICI chez la souris, cela se manifeste par un retard à la prise de poids après une perte initiale, synonyme d’une guérison plus lente.
La pertinence de cette voie IFN-λ/ZBP1/Caspase‑8/GSDMC est corroborée par des données cliniques, les auteurs ayant retrouvé des marqueurs de son activation dans des biopsies de patients atteints de MICI.
En conclusion, les auteurs mettent en lumière un effet paradoxal : la réponse IFN-λ, censée protéger contre l’infection, favorise la pyroptose des cellules épithéliales et retarde la régénération de la barrière intestinale. Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles approches thérapeutiques ciblant cette cascade (par exemple en modulant ZBP1 ou GSDMC) pour améliorer la cicatrisation mucosale dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.
📄🔗 Pour en savoir plus, retrouvez l’article ici : https://www.cell.com/cell/abstract/S0092-8674(24)01158-9
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[Février]
Ce mois-ci, nous vous présentons Valentin Thevin et son article « An intestinal Th17 cell-derived subset can initiate cancer » (Nature Immunology, 2024)
Le TGF-β agit comme un « frein » à la génération d’une sous-population de Th17 cancérigène dans l’intestin grêle.
Environ 25% des cancers apparaissent à la suite d’une inflammation chronique localisée. Toutefois, les mécanismes expliquant ce lien établi entre l’inflammation chronique et le développement tumoral restent pour l’heure incompris.
Dans cette étude, Valentin Thevin, doctorant au Centre de recherche en cancérologie de Lyon, Olivier Fesneau et leurs collègues sous la direction de Julien Marie, se sont interrogés sur le rôle précis des cellules immunitaires dans ce processus en se focalisant sur les lymphocytes Th17, qui participent normalement à la défense contre les infections dans l’intestin.
Les auteurs ont mis en évidence l’existence de huit sous-populations différentes de Th17 dans l’intestin grêle. Dans un intestin sain, le TGF-β, cytokine immunosuppressive abondante au sein de la muqueuse intestinale, agit comme un « frein » qui empêche l’une de ces sous-populations d’acquérir un profil de type « Th1 » caractérisé par l’expression du facteur de transcription T-bet et par la production d’IFN-γ, cytokine effectrice essentielle au développement de la tumeur observé au niveau duodénal. L’excès d’IFN-γ agit principalement par l’induction de dommages à l’ADN des cellules épithéliales du duodénum. Ces lésions génétiques, cumulées à l’inflammation persistante, favorisent la transformation des cellules duodénales normales en cellules cancéreuses. L’absence de TGF-β produites par les cellules épithéliales intestinales facilite cette transition vers le profil Th1.
Ces résultats, principalement obtenus chez la souris, suggèrent donc que le maintien de la signalisation TGF-β dans les cellules Th17 est crucial pour empêcher leur dérive vers un état pro-tumoral. La localisation précise du développement tumoral de ce modèle inflammatoire permettra des études plus approfondies sur le développement des cancers du duodénum chez l’Homme. Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles stratégies préventives et thérapeutiques ciblant précisément ce basculement cellulaire.
📄🔗 Pour en savoir plus, retrouvez l’article ici : https://www.nature.com/articles/s41590-024-01909-7
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[Janvier]
Nous démarrons la saison par Kilian Maire et son article « Fine-tuning levels of filamins a and b as a specific mechanism sustaining Th2 lymphocyte functions » (Nature Communications, 2024)
Inhiber la migration des lymphocytes Th2 vers le poumon : une piste prometteuse dans l’asthme de type 2 !
L’asthme, maladie inflammatoire aux conséquences parfois dramatiques, est lié à l’activité exacerbée des lymphocytes Th2 dans les poumons. Ces cellules sont à l’origine des réactions délétères en produisant des cytokines qui favorisent le recrutement d’autres cellules immunitaires, l’augmentation de la sécrétion mucus et le remodelage tissulaire à l’origine du rétrécissement des bronches. Bien que des traitements existent (anticorps monoclonaux, ciblage des cytokines etc…), leur coût élevé reste un frein majeur.
Dans cette étude, Kilian Maire, doctorant à l’Institut Toulousain des Maladies Infectieuses et Inflammatoires (INFINITY, Toulouse), et son équipe sous la direction de Pierre Lutz et Isabelle Lamsoul, se sont penchés sur le rôle de l’ubiquitine ligase ASB2α, une enzyme exprimée spécifiquement par les lymphocytes Th2, qui induit la dégradation des filamines A et B. Ils ont montré qu’un faible niveau de ces protéines favorisaient la migration des lymphocytes Th2, dépendante des intégrines αVb3, vers les sites inflammatoires. Inversement, l’accumulation des filamines A et B dans les lymphocytes Th2 déficients pour ASB2α diminue leur dynamique migratoire. Chez des souris soumises expérimentalement à une inflammation des voies respiratoires, la perte d’ASB2α dans les lymphocytes Th2 entraîne une diminution de leur recrutement dans les poumons enflammés ainsi qu’une atténuation de la réponse inflammatoire de type 2. Une piste prometteuse qui ouvre la voie au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques, notamment par le développement de petites molécules ciblant ASB2α, une alternative potentiellement plus économique aux traitements actuels.
Cette étude illustre l’intérêt d’une approche multidisciplinaire pour mieux comprendre les mécanismes moléculaires et cellulaires associés à la réponse inflammatoire de type 2 et donc au développement de l’asthme. Tout en tirant profit de son expertise en biochimie acquise au cours de sa formation académique, Kilian Maire a su mettre en œuvre, au cours de sa thèse, différentes approches en immunologie pour élucider le rôle le l’axe ASB2α-filamines A/B dans la réponse inflammatoire de type 2.
📄🔗 Pour en savoir plus, retrouvez l’article ici : https://www.nature.com/articles/s41467-024-53768-3